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Indications géographiques et marques: entre conflits et complémentarités
Erik Thévenod-Mottet  1@  , Nicolas Guyot  2, *@  
1 : Swiss Institute of Intellectual Property  (IPI)
Bern, Switzerland -  Suisse
2 : Institut fédéral de la propriété intellectuelle (Suisse)  (IPI)
Berne, Suisse -  Suisse
* : Auteur correspondant

Les marques et les indications géographiques ont pour fonction de distinguer certains produits d'autres produits. Alors que les marques opèrent cette distinction selon la provenance commerciale des produits, les indications géographiques le font selon leur origine géographique. Cette divergence fondamentale de fonction mais aussi de nature entre ces deux types de signes distinctifs commande une interprétation différenciée des notions de domaine public, de caractère descriptif (de la provenance ou du produit lui-même), de besoin de libre disponibilité, d'intérêt à conférer un droit exclusif, de légitimité de la notion de renouvellement et de propriétaire/bénéficiaire que la contribution propose d'examiner.

Cette analyse conduit à mettre en question la prétention de certaines juridictions d'assimiler simplement les IG aux marques (États-Unis). La situation est toutefois plus nuancée et quelque peu « brouillée » par des juridictions qui enregistrent les IG en tant que marques, mais en les dotant de règles spéciales qui en font, finalement, des titres sui generis et non des marques « comme les autres », à l'instar de la Suisse qui a introduit une marque géographique. Si conceptuellement le droit des marques et celui des indications géographiques présentent des distinctions évidentes, en pratique la frontière n'est pas toujours clairement démarquée.

Au-delà d'éclairages contemporains apportés à cette dispute « philosophique » vieille de plusieurs décennies, notre communication explore divers aspects des relations entre IG et marques (en droit national, dans les accords bilatéraux et dans l'Acte de Genève de l'Arrangement de Lisbonne), pour en montrer la complexité, entre conflits et complémentarités, et, in fine, sensibiliser les bénéficiaires d'IG à l'intérêt d'une gestion dynamique de leurs portefeuilles de propriété intellectuelle, qui souvent consiste en une protection à différents titres afin de couvrir différents besoins et objectifs.

Appuyée sur de nombreux cas concrets, l'analyse présente les possibilités et les contraintes liées à l'enregistrement et à l'utilisation par les bénéficiaires de marques qui comportent une IG. Certains droits nationaux excluent l'enregistrement de telles marques, alors que d'autres l'autorisent (en tant que marques individuelles, collectives de certification, marques des interprofessions, symboles officiels ou collectifs...), en général moyennant l'inscription d'une limitation géographique dans la liste des produits couverts. Ces limitations soulèvent des questions complexes en examen des marques, notamment quant à leur étendue aux produits comparables et aux produits qui contiennent, en tant qu'ingrédient, le produit bénéficiant d'une IG. Les imitations d'IG contenues dans des marques sont également problématiques : si elles sont reconnues en tant qu'imitations dans l'examen, quelle est la portée d'une limitation des produits ?

L'intérêt à l'enregistrement de ces marques combinées est réel: ces marques peuvent être déposées par des producteurs individuels qui souhaitent profiter de la réputation de l'IG et y associer leur marque individuelle, ou par des groupements représentatifs des bénéficiaires, ce qui tend à indiquer que la marque, en particulier figurative, est un élément important du point de vue marketing.

En conclusion, nous esquissons des perspectives permettant de diminuer les situations de conflits et favoriser les complémentarités, notamment grâce à une meilleure connexion entre les bases de données des IG et des marques aux niveaux national et international.


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