Les indications géographiques (IG), notamment l'AOP (Appellation d'Origine Protégée) et l'IGP (Indication Géographique Protégée), sont des outils de propriété intellectuelle « multifonction » qui protègent et valorisent le nom d'un produit dont la réputation, les caractéristiques et la qualité sont essentiellement dues à son origine géographique. Le nom désigne donc un « produit d'origine » qui est le résultat de l'interaction continue des hommes avec l'écosystème naturel et culturel d'un lieu déterminé. Cette interaction acquiert au fil du temps une valeur identitaire et économique pour ces territoires.
La proximité conceptuelle entre IG et biens communs fait débat parmi les scientifiques de différents domaines. Malgré le rôle central du droit dans le système de fonctionnement des IG, la contribution des juristes s'intègre peu à ce débat car l'action collective et la gouvernance sont considérées hors du champ disciplinaire de l'analyse juridique. Dans cette communication, j'analyse les concepts clé de la théorie sur les biens communs élaborée par E. Ostrom [1], afin de requalifier la relation de proximité entre IG et communs au travers d'une approche intégrée juridico-institutionnelle. L'expression « biens communs » identifie un mode de gestion des ressources partagées tangibles et intangibles. La réputation place-based est la ressource qui, dans le contexte des IG et dans certaines conditions, peut être gérée en bien commun par le groupement de producteurs pour répondre à des problèmes d'épuisement, notamment l'inutilisation du nom ou l'appropriation de la réputation par des usagers non-légitimes. Analyser le système des IG au prisme des communs dans une perspective juridico-institutionnelle repose sur une approche par les règles, notamment celles crées spontanément par la communauté de producteurs-usagers (les cahiers des charges des produits labelisés), et celles qui constituent le cadre juridique aux niveaux européen et national. Dans ce contexte, je vise à mettre en lumière au niveau juridique, les conditions d'une gouvernance durable des IG, et plus généralement l'importance de l'action collective au niveau local pour une évolution « bottom-up » des politiques publiques. Cette analyse permet d'ouvrir de nouvelles perspectives sur la théorie des IG, notamment de clarifier le rôle du nom en tant qu'infrastructure d'information, et la nature non intégralement exclusive des droits de propriété attribués au groupement de producteurs.
L'approche par les communs d'E. Ostrom implique une analyse empirique de cas d'étude au travers d'une méthodologie guidée par des cadres de diagnostic. Dans ce travail, je donne un aperçu d'une adaptation de l'Institutional Analysis and Development Framework (IAD) au contexte des IG, et de son application au processus décisionnel de construction des cahiers des charges. Grace à ce cadre d'analyse, il est possible de décrypter les déterminants sociaux, économiques et juridiques de l'action collective, ainsi que le rôle du groupement de producteurs et de l'État dans ce processus. Il permet également de généraliser les résultats de terrain afin de proposer des recommandations politiques ancrées dans la pratique [2].
[1] E. Ostrom, Governing the Commons (2015) Cambridge University Press.
[2] F. Guerrieri, Governing Governance: Collective action and rulemaking in EU agricultural and non-agricultural geographical indications (2023) UvA-DARE.
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