Actes et contributions > Par intervenant > Oulai Daniel

Dans la région du Tonkpi, en Côte d'Ivoire, les femmes rizicultrices sont confrontées à des inégalités structurelles liées à des normes patriarcales profondément ancrées. La question foncière est fortement genrée : la terre est généralement transmise aux hommes, tandis que les femmes, souvent marginalisées, n'ont accès qu'à de petits lopins de terre pour cultiver le riz, une activité considérée comme secondaire face aux cultures de rente telles que le cacao et le café.

Cependant, l'introduction d'une Indication Géographique (IG) pour le riz produit par ces femmes a été un levier transformateur, à la fois sur le plan économique et social. Une IG est un signe de qualité qui certifie l'origine d'un produit et sa méthode de production, souvent liée à un savoir-faire traditionnel. Dans le cas des femmes rizicultrices du Tonkpi, cela signifie une reconnaissance formelle de leurs compétences spécifiques en matière de culture du riz, qui pourrait radicalement changer leur statut socio-économique.

L'un des avantages les plus significatifs de l'IG est la valorisation économique du riz local. La certification de l'origine du riz permettrait d'accéder à des marchés nationaux et internationaux à des prix plus compétitifs, offrant aux femmes rizicultrices une opportunité d'augmenter leurs revenus. En générant plus de revenus, elles gagneraient en autonomie financière, un élément clé pour leur inclusion économique dans une région où elles sont traditionnellement exclues des circuits agricoles de rente.

En outre, l'IG peut renforcer la visibilité des femmes dans les chaînes de valeur agricoles. Traditionnellement, les femmes sont sous-représentées dans les instances de décision et les coopératives agricoles. Structurer la filière rizicole autour d'une IG pourrait faciliter leur accès à des rôles de leadership au sein des associations de producteurs, ainsi qu'à des ressources techniques et financières jusqu'ici inaccessibles. En plus de cela, cette reconnaissance formelle pourrait les rendre éligibles à des formations techniques, augmentant ainsi leur productivité et leur savoir-faire.

Un autre aspect crucial de l'IG est son potentiel à promouvoir une gestion foncière plus équitable. La valorisation économique du riz inciterait les décideurs locaux à revoir les droits fonciers des femmes. En attribuant plus de valeur à une culture traditionnellement dévolue aux femmes, cela pourrait faciliter leur accès à la terre et entraîner une redistribution plus juste des ressources agricoles dans la région.

Les IG, au-delà de leur rôle économique, peuvent aussi avoir un impact social significatif. Elles permettent de modifier la perception sociale du travail des femmes en reconnaissant sa contribution essentielle à l'économie locale. Une telle reconnaissance pourrait encourager la mise en place de politiques favorisant l'inclusion des femmes dans les processus de décision agricole, contribuant ainsi à réduire les inégalités sexospécifiques et à promouvoir une véritable égalité dans les régions rurales.